A Liverpool, on n'a pas d'oursins dans le porte-monnaie. Les Reds sont même du genre généreux. Cet été, ils ont déboursé 60 millions. Quelque 24 pour l'ailier Steward Domwing, arrivé vendredi en provenance d'Aston Villa. Charlie Adam, le talentueux milieu écossais de Blackpool, a coûté 14 millions d'euros. Jordan Henderson, la jeune pépite de 21 ans venue de Sunderland, a été acheté 20 millions. Alexander Doni, l'ancien gardien de la Roma, n'a certainement pas été enrôle gratuitement. L'hiver dernier, renfloué par la vente juteuse de Fernando Torres à Chelsea pour 58 millions d'euros, le club de la Mersey avait déjà fait quelques folies : 40 millions d'euros pour Andy Carroll (Newcastle), 26,5 pour Luis Suarez (Ajax Amsterdam). Faîtes les comptes : depuis janvier, quelque 125 millions d'euros ont été dépensés. Et ce n'est sans doute pas fini. La semaine dernière, les médias anglais évoquaient l'intérêt des Reds pour Gonzalo Higuain, l'attaquant argentin du Real Madrid. Son transfert se négocierait autour de 30 millions d'euros. Celui, imminent, d'Aly Cissokho dépasserait les 10 millions d'euros.
Les chiffres donnent le vertige. Ils surprennent d'autant plus qu'il n'y a pas si longtemps, Liverpool était au bord du gouffre. Le club aux cinq Ligues des champions se traînait dans les profondeurs de la Premier League. Et il devait absolument trouver un repreneur susceptible de rembourser un prêt d’environ 300 millions livres contracté auprès de la Royal Bank of Scotland. En octobre, le consortium New England Sports Ventures (NESV) endosse le costume du messie. A sa tête: John Henry, le propriétaire de l’équipe de base-ball des Boston Red Sox, et le producteur hollywoodien TomWerner, ami de la famille Clinton. D'un coup de baguette magique, ils effacent la dette.
"Le football est une industrie affective"
"Ce genre d'actionnaires accepte de perdre de l'argent momentanément, pas d'investir à fonds perdus, temporise l'économiste du sport Frédéric Bolotny. Liverpool, ce n'est Chelsea ou Manchester City. C'est une marque plus traditionnelle, plus populaire. Les clubs anglais cherchent à recréer un lien avec leurs supporters, en recrutant soit des joueurs anglais, soit des joueurs formés au club. On sent toute l'influence du Barça. N'oublions pas que le football est une industrie affective." Voilà pourquoi en janvier dernier, Kenny Dalglish, l'idole d'Anfield, a succédé au très controversé Roy Hodgson sur le banc.
"Pour un club comme Liverpool, la rentabilité passe inévitablement par les résultats sportifs", poursuit Bolotny. Traduction: pour exister, Liverpool doit garnir à nouveau une armoire à trophées qui a pris la poussière depuis 2006. Redevenir le roi d'Angleterre, qu'il n’est plus depuis que Manchester United a conquis sa dix-neuvième couronne. Mais Liverpool a-t-il seulement les moyens de ses ambitions ? Selon la dernière étude "Football Money League" du cabinet Deloitte, que nous nous sommes procurée, la force économique des Reds ne rivalise pourtant pas avec celle des mastodontes européens. Liverpool, c'est 225 millions d'euros de revenus annuels pour l'exercice 2009-2010. C'est moins que Manchester United (350 millions), Arsenal (274 millions), Chelsea (256 millions). C'est même à des années lumières du Real Madrid (439 millions) et du Barça (398 millions).
Opération dégraissage en vue
Plus préoccupant, seuls 23% des revenus de Liverpool proviennent des entrées. En 2009-2010, elles lui avaient rapporté 52,4 millions d'euros, quand elles ont généré 122 millions d'euros à Manchester United et 115 millions d'euros. "A un moment donné va forcément se poser la question du stade, souligne Bolotny. Liverpool est un club populaire. Il aura donc besoin d'un stade suffisamment grand pour segmenter son offre." C'est-à-dire ? "Garder des places au tarif attractif relativement attractif, pour ne pas se couper de ses fans, mais aussi vendre des places VIP. En Angleterre, 50% des revenus "matchdays" proviennent des 10% des places les plus chères." Autrement dit, Liverpool "va être contraint de repenser son modèle économique", qui repose à 43% sur les droits TV et à 34% sur les revenus commerciaux (sponsoring, merchandising). "Surtout si le fair-play financier voulu par Michel Platini est mis en place, insiste Bolotny. Les clubs anglais ne vont pas pouvoir vivre indéfiniment au-dessus de leurs moyens."
Privés du pactole de la Ligue des champions, les Reds vont devoir vendre pour alléger sa masse salariale. En 2010-2011, elle atteignait 136 millions d'euros. "Je suis sûr qu’il y aura encore un peu de mouvement, spécialement du côté des départs", confirmait récemment Damien Comolli, le directeur sportif des Reds. En réalité, Liverpool s'apprête à lancer une vaste opération dégraissage. La semaine dernière, The Guardian dressait une liste de joueurs susceptibles de quitter les bords de la Mersey au plus vite. Parmi eux, Joe Cole et Milan Jovanovic, arrivés un an plus tôt pour zéro euro, mais aux émoluments confortables. Leurs départs permettraient d’économiser 12 millions d'euros par an de salaire. Recrutés l’été dernier pour environ 15 millions d'euros, Paul Konchesky, Christian Poulsen et Brad Jones ne devraient pas s’éterniser non plus. Prêtés, Philipp Degen, Nabil El Zhar, Chris Mavinga, Alberto Aquilani et Emiliano Insua pourraient aussi faire leurs valises. Vendre, pour mieux acheter ensuite ? Damien Comolli a prévenu: "Nous espérons encore quelques arrivées."
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