samedi 30 octobre 2010

Rennes se fait tout petit

Leader depuis trois journées, Rennes vient s'étalonner à Marseille, son actuel dauphin et champion de France en titre. Mais pour l'entraîneur breton, Frédéric Antonetti, comparaison n'est pas raison. Les deux clubs ne sont pas dans le même monde. Les deux équipes non plus. Refrain bien connu.


Samedi soir, le champion de France en titre reçoit le leader de la Ligue 1. Belle affiche. Un rendez-vous au sommet? Vous n'y êtes pas. Ce n'est pas un leader qui se déplace ce week-end au vélodrome. C'est un petit qui vient rendre visite à un grand. Un petit? Historiquement, oui. Economiquement, aussi. Et en bon petit qu'il est, il n'est pas gâté par l'arbitrage, quand son hôte du jour, lui, en a les faveurs. Voilà en gros le discours servi cette semaine par Frédéric Antonetti, entraîneur du petit en question, le Stade Rennais.


Sur le fond, Frédéric Antonetti n'a pas tort. Oui, Rennes ne pèse rien dans l'histoire du football français face à l'OM. "Vous ne pouvez rien contre l'histoire, assène-t-il. L'histoire, il faut l'écrire. Rennes s'inscrit dans les clubs qui comptent depuis une dizaine d'années. Si le club avait fait ça dès les années 50, il serait aujourd'hui dans l'histoire. Moi, je crois au travail dans le temps. Etre leader aujourd'hui, c'est un petit évènement, mais remis dans un contexte historique, c'est totalement anecdotique." Une analyse incontestable, même si elle a sans doute aussi vocation à relativiser le statut actuel de son équipe, et donc à lui ôter une part de pression inhérente à la place de leader.


"On ne fait pas le même métier"


Petit à l'échelle du temps, Rennes l'est aussi à celle de l'argent. Plus encore peut-être, même, à en croire Frédéric Antonetti. Economiquement, le club breton ne pèse rien à côté des deux Olympiques, lyonnais et marseillais. Là encore, il n'a pas manqué l'occasion du déplacement au Vélodrome pour remettre les choses en perspective. "Le coût de leur équipe, c'est 90 millions d'euros. Le notre, c'est 20 millions. Ça fait plus de quatre fois plus. A un moment donné, c'est normal qu'ils soient devant", estime-t-il, même si, pour quelques heures encore au moins, "ils", les Marseillais, sont encore derrière. "Pour être champion, poursuit le technicien corse, c'est une histoire d'argent, que vous le vouliez ou non. Marseille, quand ils ont un souci devant, ils achètent Gignac et Rémy. On ne fait pas le même métier. Ne me parlez pas d'Hoffenheim, du Chievo Vérone ou de qui vous voulez, ces clubs n'ont jamais été champions que je sache. Ça ne veut pas dire que celui qui a le plus d'argent va réussir tout le temps. Mais sur 10 ou 15 ans, il va être au moins une ou deux fois champion. Le palmarès et l'histoire se construisent comme ça."


Mais au-delà de ces critères objectifs et rationnels, il en est un beaucoup plus pernicieux, à en croire Antonetti. Et c'est sans doute celui qui l'inquiète le plus: l'arbitrage. Même s'il s'en défend avec une bonne dose de mauvaise foi (lors de sa conférence de presse jeudi, sa réponse à la première question, qui n'évoquait pas du tout ce sujet, a porté pendant 5 minutes sur l'arbitrage. Puis, quand un journaliste lui demande s'il cherchait à mettre la pression en évoquant aussi abondamment l'arbitrage, Antonetti a répondu: "mais non, vous me posez des questions, j'y réponds, c'est tout!"), l'entraîneur rennais sous-entend clairement que les "gros" bénéficient d'un arbitrage différent des "petits". La source de sa colère? L'expulsion (il est vrai très sévère) et la suspension de Kader Mangane. Alors que Lyon et Marseille... "J'ai vu des matches de Marseille cette saison... Il y a par exemple deux penalties pour Nancy. Non seulement il y a penalty, mais sur la main d'Heinze, il y a rouge. Mais c'est juste un constat. Je veux seulement un arbitrage juste. C'est un problème d'uniformité."


Un choc purement virtuel?


Alors, avec tout ça, les jeux sont-ils faits d'avance? A long terme, oui. Rennes à la première place en début d'automne, pourquoi pas, mais au printemps, n'y pensez pas. Antonetti, encore: "Il y a cinq équipes devant nous: Marseille et Lyon, qui ont de loin les deux meilleurs effectifs. Puis Bordeaux, Lille et Paris. Si un de ceux-là n'est pas au rendez-vous, on peut être dans les cinq premiers." Sans trahir la pensée de Frédéric Antonetti, on l'aura donc compris, le choc de ce soir est purement virtuel. C'est un choc de début de saison, conjoncturel, entre un leader qui ne le restera pas longtemps et un dauphin qui ne joue pas dans la même catégorie. Encore une fois, sur le fond, Antonetti a probablement raison. Mais en surjouant son discours, il en atténue paradoxalement la portée. La théorie de la victimisation, comme celle du tout petit, n'est pas neuve en Ligue 1.


Mais s'il a le sens de la formule, Antonetti cache surtout derrière un redoutable esprit de compétiteur. Il suffit de rentrer dans son jeu et de le titiller pour s'en apercevoir. Quand on lui demande comment son équipe va réagir si elle perd sa première place samedi, il sort de ses gonds. "Avant de la céder, on va peut-être déjà jouer le match. On joue toujours un match pour le gagner même si c'est toujours difficile au vélodrome. Si on gagne, ce sera bon pour la confiance, bon pour les joueurs, faire un résultat à Marseille, c'est toujours intéressant." Dites-lui que son équipe peut aller loin, Antonetti vous dira qu'elle est trop petite. Evoquez devant lui l'hypothèse d'un échec samedi, et il ne parlera que de son désir de victoire. Cela s'appelle l'esprit de contradiction. Antonetti, et c'est aussi pour ça qu'on l'aime, la cultive. Et d'une certaine manière, en trustant la place de leader depuis trois semaines, Rennes se plait aussi à contredire une certaine logique...


Eurosport
http://fr.sports.yahoo.com/30102010/70/ligue-1-rennes-se-fait-tout-petit.htm
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